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LETTRE 70

Je dois m’excuser auprès de vous, chers amis lecteurs, souvent fidèles et anciens, car je n’ai rien publié depuis le 23 mars 2023 , bientôt un an.

Ce long silence est d’abord dû à des raisons techniques, puisque la distribution des Newsletter s’est faite de très mauvaise manière sur les dernières séquences . Et qui recevra correctement cette dernière ? J’avoue que c’est une sorte de dernier essai.

La seconde raison est d’ordre culturel, je me suis en effet lancé dans une opération prenante, le commentaire des images que Gustave Doré a créées pour la Sainte Bible parue en 1866 chez Mame. Vous pourrez d’ailleurs consulter ces travaux sur le site d’Ut Pictura 18

  https://utpictura18.univ-amu.fr/rubriques/ressources

Cette lettre prendra d’ailleurs deux gravures de Gustave Doré comme sujets

 Abraham ensevelit Sara, dessin de Gustave Doré gravé par Héliodore-Joseph. Pisan, 1862-65 in La Sainte Bible selon la Vulgate… Mame 1866

L’ange et les saintes femmes, dessin de Gustave Doré gravé par Héliodore-Joseph. Pisan, 1862-65 in La Sainte Bible selon la Vulgate… Mame 1866

Au point de vue iconographique les deux gravures se répondent, parfaitement ;  on retrouve les deux grottes  souterraines avec deux escaliers de trois marches mais qui sont inversés. L’ouverture est creusée en triangle, grossièrement sans maçonnerie, les tombeaux eux-mêmes ne sont visibles que par les montants de leurs ouvertures rectangulaires  mais alors que celui de Sara n’a que l’épaisseur de son cadavre, celui de l’ange est dessiné  de façon à ne pas voir sa profondeur. Ils se ferment tous deux par une lourde dalle de pierre qui s’ajuste aux montants de la porte. Nous appellerons le second  tombeau, celui du Christ, puisque c’est celui que viennent voir toutes les images des femmes se rendant au tombeau

Les hommes quittent le tombeau de Sara, les femmes entrent dans celui de l’ange. Les hommes sont nombreux et tous semblables, seul Abraham est reconnaissable par le mouvement de retournement qu’il essaie de faire. Les femmes ne sont que deux et indissociables. Deux serviteurs soulèvent la dalle qui va fermer le tombeau de Sara. Un ange est assis sur une pierre devant le tombeau du Christ, il pose son pied sur la dalle qui est à terre suggérant ainsi qu’elle est tombée. Le cadavre de Sara enveloppé de linges occupe l’étroit tombeau, celui du Christ est vide bien qu’incomplètement représenté. La lumière entre dans les deux tombeaux mais une lumière vespérale, rasante pour celui de Sara, une lumière zénithale pour celui du Christ qui illumine les ailes de l’ange, envoyé de Dieu.

A l’inverse les deux textes ne correspondent pas du tout

Evangile selon Luc, 24, 1-8

 Le premier jour de la semaine, à la pointe de l’aurore, les femmes se rendirent au tombeau, portant les aromates qu’elles avaient préparés. Elles trouvèrent la pierre roulée sur le côté du tombeau. Elles entrèrent, mais ne trouvèrent pas le corps du Seigneur Jésus. Alors qu’elles étaient désemparées, voici que deux hommes se tinrent devant elles en habit éblouissant. Saisies de crainte, elles gardaient leur visage incliné vers le sol. Ils leur dirent : « Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? Il n’est pas ici, il est ressuscité. Rappelez-vous ce qu’il vous a dit quand il était encore en Galilée : “Il faut que le Fils de l’homme soit livré aux mains des pécheurs, qu’il soit crucifié et que, le troisième jour, il ressuscite.” » Alors elles se rappelèrent les paroles qu’il avait dites.

Livre de la Genèse 23, 1-20

 La vie de Sara fut de cent vingt-sept ans: telles sont les années de la vie de Sara.Sara mourut à Kirjath Arba, qui est Hébron, dans le pays de Canaan; et Abraham vint pour mener deuil sur Sara et pour la pleurer. Abraham se leva de devant son mort, et parla ainsi aux fils de Heth:Je suis étranger et habitant parmi vous; donnez-moi la possession d'un sépulcre chez vous, pour enterrer mon mort et l'ôter de devant moi.

Suit une négociation difficile qui doit permettre à un étranger de posséder la terre d’un indigène.

¹⁷ Le champ d'Éphron à Macpéla, vis-à-vis de Mamré, le champ et la caverne qui y est, et tous les arbres qui sont dans le champ et dans toutes ses limites alentour,devinrent ainsi la propriété d'Abraham, aux yeux des fils de Heth et de tous ceux qui entraient par la porte de sa ville.Après cela, Abraham enterra Sara, sa femme, dans la caverne du champ de Macpéla, vis-à-vis de Mamré, qui est Hébron, dans le pays de Canaan.

On comprend bien que Doré a choisi la scène des Femmes au tombeau pour construire celle de l’ensevelissement de Sara. Souvent la scène de l’A.T. sert à expliquer, annoncer.. celle du N.T., ici c’est celle du Nouveau que Doré plaque dur celle de l’Ancien, sans aucune raison scripturaire. On connaît très mal la pensée religieuse de Doré, sans doute très personnelle.

 Pourquoi ?  Sara n’est pas vouée à la mort, la résurrection du Christ, annonce la résurrection de toute l’humanité, c’est le sens de la  « Descente aux enfers de Jésus » proclamée par le concile de Nicée. Mais les images qui l’affirment représentent souvent Jésus libérant Adam et Eve.

 Pourquoi avoir choisi Sara plutôt qu’Eve ou une autre femme de patriarche ? Une possibilité , Sara a reçu la promesse d’enfanter Isaac, comme Marie a reçu celle d’enfanter Jésus , car « rien n’est impossible à Dieu », mais alors que Marie répond fiat, Sara rit en elle-même, ayant du mal à croire.

On peut aussi penser que le fait qu’Abraham cherche à trouver une terre à lui pour y ensevelir sa femme, a quelque chose à voir ave le tombeau que Joseph d’Arimatie propose pour ensevelir Jésus.

 Rien de bien convaincant. Si vous avez une meilleure explication, je suis preneur.

Restent deux gravures magnifiques par leurs contrastes lumineux, la simplicité de la mise en scène et la force d’expression.  

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