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LETTRE 64 REBECCA AU PUITS si vous avez des problèmes avec les images , regardez Archives
Vannini, Ottavio, “Rébecca et Eliézer à la source”. Huile sur toile, 1,20x1,54cm, Vienne, Kunsthistorisches Museum. Rebecca est une jeune fille de la famille d’Abraham, or ce dernier veut que son fils Isaac épouse une fille de son clan. C’est pourquoi il envoie un serviteur, en qui il a toute confiance, Eliezer, à la recherche de la jeune fille idéale. « Le serviteur prit dix des chameaux de son maître et il partit…Pour aller dans l'Aram-des-deux-Fleuves à la ville de Nahor. Il fit s'accroupir les chameaux à l'extérieur de la ville près du puits, à l'heure du soir, l'heure où les femmes sortent pour puiser. Il dit : « SEIGNEUR, Dieu de mon maître Abraham, permets que je fasse aujourd'hui une heureuse rencontre… Eh bien ! La jeune fille à qui je dirai : “Penche ta cruche que je boive” et qui répondra : “Bois, et j'abreuverai aussi tes chameaux”, c'est elle que tu auras destinée à ton serviteur Isaac. Or, il n'avait pas fini de parler que Rébecca sortit avec une cruche sur l'épaule. La jeune fille était très charmante à voir ; elle était vierge. Elle descendit vers la source, remplit sa cruche et remonta. Le serviteur courut à sa rencontre et dit : « De grâce, donne-moi à boire une gorgée d'eau de ta cruche. » — « Bois, mon seigneur », répondit-elle et, de la main, elle abaissa la cruche au plus vite pour le désaltérer. Quand elle eut fini de le faire boire, elle dit : « Pour tes chameaux aussi j'irai puiser jusqu'à ce qu'ils aient bu à leur soif. » Elle s'empressa de vider la cruche dans l'abreuvoir et courut de nouveau chercher de l'eau au puits ; elle puisa pour tous les chameaux ». TOB Livre de la Genèse 24, 10-20 La rencontre de Rebecca et d’Eliezer a donné lieu à de nombreuses représentations, où l’on voit la jeune fille donner à boire au vieux serviteur. Parmi les plus proches du texte, celle de Vanini, ci-dessus, et celle de Murillo C’est lheure où les jeunes filles se retrouvent au puits , Eliezer arrive avec sa caravane et Rebecca lui donne à boire le plus naturellement qui soit, sans lui prêter une attention particulière. Le choix de Dieu est intime, et ne se manifeste pas à l’extérieur. MURILLO, Bartolomé Esteban, Rebecca and Eliezer,c. 1650, Oil on canvas, 107 x 171 cm, Museo del Prado, Madrid
Salomon de BRAY, Eliezer and Rebecca, 1660, Oil on canvas, 90 x 156 cm,Musée de la Chartreuse, Douai C’est tout différent chez Salomon de Bray. Le réalisme de la mise en scène est transcendé par la lumière divine qui choisit Rebecca, au point que le garçon de gauche se rend compte qu’il se passe quelque chose d’anormal. Quant à Eliezer, il reconnait le choix de Dieu par le regard qu’il échange avec la jeune fille, et reçoit l’eau comme une nourriture sacrée (le peintre est un hollandais catholique). A noter que les chameaux existent mais relégués dans l’ombre à droite.
LOTH, Johann Karl, Eliezer and Rebecca at the Well, 1670s, Oil on canvas, 123 x 159 cm,The Hermitage, St. Petersburg Loth prend beaucoup de distance par rapport au texte, le titre est bien « Eliezer et Rebecca au puits » mais Eliezer est renvoyé à gauche et celui qui boit, est un jeune homme qui ne peut être qu’Isaac. La rencontre est donc celle des deux futurs époux, sous le patronage d’Eliezer, dont le geste e de la main est explicite. La rencontre peut alors prendre une dimension érotique et mythologique, Rebecca devient une allégorie, et la cruche devient un vase des dieux.
Une peinture peu connue de Poussin, prend un parti proche. Le jeune homme est bien Isaac et il est venu avec la caravane d’Eliezer. A noter la belle représentation des chameaux.
Poussin, 1626 Éliézer et Rébecca au puits ou Rébecca étanchant la soif d'Éliézer. 93x117cm (ancienne collection Denis Mahon, actuellement coll. part.). La belle représentation des chameaux est importante car dans le célèbre tableau de Poussin du Louvre qui représente la rencontre d’Eliezer et de Rebecca, les chameaux sont absents. Et cela a donné lieu en 1668 à une querelle publique à l’Académie, entre Le Brun et Philippe e de Champaigne. Ce dernier reprocha à Poussin de ne pas avoir représenté les chameaux alors que le texte les nommait explicitement, et il ajouta que « la laideur de ces animaux aurait même rehaussé l'éclat de tant de belles figures ». Le Brun répliqua que « les chameaux n'avaient pas été retranchés de ce tableau dans une solide réflexion ». Ils auraient paru déplacés, leur apparence disgracieuse aurait nui à l'unité et à la grandeur noble de l'œuvre… Querelle qui semble stupide mais qui pose la question de la liberté de l’artiste par rapport à ses sources.
Si les chameaux sont souvent représentés, on ne les voit jamais boire alors que le texte nous dit qu’ « elle puisa pour tous les chameaux ». Je n’ai trouvé que Cabanel pour représenter la scène. C’est le 19e s. la mode est à l’orientalisme et les chameaux qui étaient jugés si laids, deviennent un élément de la couleur locale. Alexandre CABANEL 1883 57x95 cm
Si les tableaux mettant en scène Rebecca donnant à boire à Eliezer, sont nombreux, un autre passage est aussi représenté ; Celui des bijoux offert par Eliezer à la jeune fille. Car le texte parle des bijoux et de leur importaance « Dès que les chameaux eurent fini de boire, l'homme prit un anneau d'or pesant un demi-sicle et deux bracelets d'or pesant dix sicles pour ses poignets et lui dit : « De qui es-tu la fille ? De grâce, fais-moi savoir si la maison de ton père serait pour nous un lieu d'hébergement. »… Rébecca avait un frère du nom de Laban qui semble fort intéressé par les bijoux Il courut vers l'homme, dehors, à la source. Dès qu'il eut vu l'anneau et les bracelets aux bras de sa soeur, et entendu sa soeur Rébecca lui dire : « C'est ainsi qu'il m'a parlé », il s'en alla vers l'homme qui se tenait avec les chameaux près de la source. « Viens, dit-il, béni du SEIGNEUR. Pourquoi te tiendrais-tu dehors alors que dans la maison j'ai fait place nette pour les chameaux ? » Ge. 24, 22 et 29-31 Le célèbre tableau de Poussin du Louvre, ne montre ni chameaux, ni eau donnée par Rebecca, mais derrière les paroles d'Eliezer à le jeune fille, on devine dans sa main gauche, un bracelet d'or.
Nicolas Poussin, 1648, huile sur toile, 118x199 cm, Louvre NB. ce tableau est une forêt de symboles, on peut lire le commentaire
GRASSI, Nicola, Rebecca at the Well,c. 1720,Oil on canvas, 120 x 155 cm, San Francesco della Vigna, Venice Le puits a quasiment disparu, reste une rencontre entre un sombre vieillard et une belle jeune fille au bras blanc, le Ciel éclaire la remise du bracelet comme s’il s’agissait d’un geste de fiançailles, mais le fiancé est absent Giovanni PIAZZETTA, 1740; 102x137 cm, Pinacotece Brera, Milano Chez Piazzetta l’atmosphère est toute autre. Eliezer est devenu un bel homme grand et bien vêtu, qui sort un grand collier de perles et l’offre à une jeune fille. Scène de séduction ? ‘ Elle est toute jeune, il est décidé, son regard est insistant, sa parole convaincante, elle est timide, et fait un geste de recul, son regard surpris montre sa naïveté. Le récit biblique est transformé en une scène de genre, la peinture perd sa dimension religieuse, et le message est inversé puisque Eliezer « achète » Rebecca au lieu de la reconnaître comme un don de Dieu.
Les représentations artistiques de Rebecca au puits sont devenues très rares. J’ai cependant trouvé un bas-relief d’Evariste Jonchère (1892-1956) sculpteur qui a travaillé surtout en Indochine et en Afrique. Ce bas-relief date de 1927 et se trouve au Conservatoire d’art d’Annecy. La rencontre se fait devant le bât bien rempli du chameau. Rebecca ne donne pas à boire à Eliezer mais semble lui laver les mains, comme une ablution en signe de bienvenue, sa nudité renvoie à sa beauté et à sa fécondité, ce que cherche Eliezer.
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