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LETTRE 63


 LA GUERISON DU PARALYTIQUE 


 

« La guérison du paralytique par Jésus » de Quentin Varin

 Comme d'habitude si vous avez du mal à voir les images reportez vous à Archives

 Ce grand tableau s’inspire de l’évangile selon saint Jean au ch. 5, et met en scène le v. 8 : « Jésus lui dit : « Lève-toi, prends ton grabat et marche. « – Et aussitôt l’homme fut guéri ; il prit son grabat et il marchait. »

J’ai déjà présenté cette œuvre de Quentin Varin dans mon blog artbiblique.over-blog.com

http://artbiblique.over-blog.com/article-la-guerison-du-paralytique-66960976.html

 mais l’église de Fontainebleau où il se trouve vient d’être restaurée après incendie et le tableau est particulièrement bien mis en valeur , d’où cette reprise.

 Comment est représentée cette guérison ?

On pourrait dire comme une nouvelle création. Tout le monde connaît la fresque de Michel-Ange où Dieu donne vie à Adam en le touchant du bout des doigts. Le peintre reprend ce geste pour le prêter à Jésus, mais comme il n’agit qu’au nom de son Père, il lui fait désigner le Ciel de la main.

Le cadre architectural est impressionnant.

Cette scène évangélique se passe dans un lieu précis et bien connu à l’époque de Jésus, « il existe à Jérusalem, près de la porte des Brebis, une piscine qui s’appelle en hébreu Bethzatha. Elle possède cinq portiques » Jn 5, 2. Ce lieu signifie en araméen « lieu de la grâce » (בית חסדא) et se trouve près de la porte dite des Brebis, car on y lavait les animaux avant leur sacrifice, d’où son caractère sacré. Le peintre reprend le contexte architectural du bassin central et des colonnades que l’on voit au fond s’élever sur plusieurs étages.

Cette guérison est bien particulière

Il faut surtout noter que le paralytique ne demande rien à Jésus, c’est ce dernier qui lui propose une guérison. « Il y avait là un homme infirme depuis trente-huit ans. Jésus le vit couché et, apprenant qu’il était dans cet état depuis longtemps déjà, lui dit : « Veux-tu guérir ? » L’infirme lui répondit : « Seigneur, je n’ai personne pour me plonger dans la piscine au moment où l’eau commence à s’agiter ; et, le temps d’y aller, un autre descend avant moi. » Jn 5, 3-7, TOB

On apprend qu’il existe un moyen traditionnel de guérir, il faut être plongé dans les eaux, juste au moment où un ange les fait bouillonner. C’est ce que représente le peintre au centre du tableau : un homme malade, soutenu par deux autres, est descendu dans le bassin.

Le tableau montre la guérison en action

Le geste à peine fait, la parole à peine prononcée : « Lève-toi, prends ton grabat et marche ». Le paralysé est déjà debout, il ne prend pas son grabat, il s’en saisit et il surgit, poussé comme par un ressort, il le garde le long de son corps comme s’il y était attaché, mais au lieu d’y être couché, il s’en sert comme d’un trophée, et l’enlève, comme s’il ne pesait plus rien. Il bondit hors de son lit de douleur, une caisse de bois comme un cercueil, et s’élance en avant, sur le chemin de vie qui s’ouvre devant lui. Il ne jette même pas un regard vers Jésus, dont il dira aux Juifs qui l’interrogeront peu après, qu’il ne le connaît pas : « Qui est cet homme qui t’a dit : “Prends ton grabat et marche” ? » Mais celui qui avait été guéri ne savait pas qui c’était » 5, 12-13

L’opposition est totale entre ce dynamisme un peu brouillon de l’homme, et l’attitude calme du Christ. Il est de face, il regarde l’homme qui se lève fiévreusement alors que lui maîtrise son double geste, dans un style un peu maniéré. Le fait qu’il soit tout de bleu habillé, renforce son humanité, mais le peintre a sans doute hésité, et le bleu recouvre un manteau, qui dans sa première version était rouge, signe de divinité. Le bleu renvoie aussi à la couleur de l’eau.

Jésus n’est pas seul, derrière lui on reconnaît un jeune homme, l’apôtre Jean, dont les gestes très maniérés sont porteurs de sens, et deux autres disciples plus âgés, dont les têtes s’imbriquent, sans doute Pierre et Jacques, le trio qui accompagne toujours le Seigneur.

Le fait de représenter cette guérison exceptionnelle dans le plan principal, tout en gardant au centre mais au loin, celle qui se fait selon la tradition, souligne que le Christ ne vient pas contredire la Loi et les traditions d’Israël, mais qu’il apporte la grâce et la vie à celui qui ne pouvait pas être sauvé par la Loi, qu’il lui donne une nouvelle naissance.


Reste la scène du bas, qui peut paraître obscure.

A gauche un homme qui ressemble physiquement au paralysé guéri, il est lui-même paralysé et s’appuie sur un bâton court pour avancer en rampant, il regarde vers la droite, mais qui ? Pas le Christ, qu’il pourrait supplier pour être guéri à son tour, il regarde plutôt le groupe, qui est sur le côté droit, et où je vois une femme et un enfant.

Certains ne veulent pas voir une femme car sa poitrine est à peine marquée, mais chez Michel-Ange, le maître dont s’inspire notre peintre, ce fait est assez habituel. Son visage est glabre alors que tous les hommes sont barbus, sa douceur et la position de l’enfant dans son giron… tout milite en faveur d’une femme. Elle fait partie de la foule des infirmes, elle est assise sur une sorte de fauteuil bas, dont elle tient un manche. Elle semble épuisée et l’enfant est entre ses cuisses, mais il ne s’agit pas d’une scène d’accouchement. C’est un petit garçon, et non pas un nouveau-né, et ce qui frappe est le geste de son bras et la position de ses jambes, qui sont les mêmes que celles du paralytique désormais guéri.

Comment cette scène du bas peut-elle se relier à celle du haut ? Par l’apôtre Jean qui à côté de Jésus, regarde non la guérison mais cette scène, et qu’il nous indique par un mouvement du bras. Par là je pense que Jean nous renvoie à un autre chapitre de l’évangile qu’il est censé avoir transmis, le chapitre 3.

La nouvelle naissance

Or dans ce chapitre 3, il est question de naissance nouvelle, comme celle que Jésus vient de donner au paralytique. Jésus répond à Nicodème, un Juif important qui s’interroge sur ce rabbi. « En vérité, en vérité, je te le dis : à moins de naître de nouveau, nul ne peut voir le Royaume de Dieu. » Nicodème lui dit : « Comment un homme pourrait-il naître s’il est vieux ? Pourrait-il entrer une seconde fois dans le sein de sa mère et naître ? » Jésus lui répondit : « En vérité, en vérité, je te le dis : nul, s’il ne naît d’eau et d’Esprit, ne peut entrer dans le Royaume de Dieu. Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l’Esprit est esprit. ». Jn 3,3-6

C’est bien cette image d’une naissance nouvelle que l’enfant mime, mais cet enfant n’existe pas, il n’est que le récit mis en image, il est le moyen de comprendre que l’homme qui vient d’être guéri et qu’il mime par les gestes, est vraiment né à nouveau, et que cette naissance n’est pas celle de la chair mais celle de l’Esprit. Et cette naissance est offerte à tous «Ne t’étonne pas si je t’ai dit : il vous faut renaître d’en haut » (v 7) et donc aussi au paralytique de droite qui est toujours au sol, lui qui ressemble par la chair à celui qui est re-né, lui aussi « s’il ne naît d’eau et d’Esprit, ne peut entrer dans le Royaume de Dieu ».


Renaître par le baptême

L’homme guéri l’a été par l’Esprit, or après le Christ tout homme est appelé à renaître par l’Esprit et l’eau du baptême. C’est pourquoi le centre du tableau représente la guérison traditionnelle par les eaux de la piscine, mais cette image est aussi celle du baptême par immersion pratiquée par les premiers chrétiens.

 

L’homme du fond est plongé dans l’eau, il est baptisé, il renaît comme l’enfant du premier plan et entre dans le Royaume de Dieu. Ainsi sont superposées les deux images de la guérison selon la Loi et celle selon l’Esprit, comme le Nouveau testament se superpose à l’Ancien. Il est donc normal que le peintre mette cette scène au centre de sa composition, au centre du grand cercle formé par les gestes et les corps des protagonistes, le sujet qui était « la guérison du paralytique » s’élargit à toute l’humanité appelée à la renaissance par le baptême de l’eau et de l’Esprit



Pour finir, un mot sur l’histoire de ce tableau.

L’église St Louis abrite cette grande toile (343 x 260 cm) depuis 1624, elle a été offerte par le roi Louis XIII pour décorée cette nouvelle église.

Quentin Varin (1570-1626) originaire du diocèse de Beauvais est un peintre profondément marqué par l’art italien. L’arabesque des corps, la préciosité des attitudes et la forme des visages relèvent d’un certain maniérisme, mais les corps à la savante anatomie sont un hommage à la sculpture antique et à Michel Ange. Mais Varin faisait aussi partie des cercles princiers de la Réforme catholique française et il a peint plusieurs œuvres pour des églises parisiennes et de Rennes. Cette œuvre est sans nul doute son chef d’œuvre.

Reportez vous aussi à cet article qui présente Les noces de Cana , tableau qui est à Rennes et où l'on voit un Christ qui ressemble beaucoup à celui de Fontainebleau 

https://www.gazette-drouot.com/article/quentin-varin-sort-de-l-ombre/7888



A l’origine le tableau surmontait le maître autel de l’église St Louis de Fontainebleau, il était visible de loin. Trop visible pour les Lazaristes qui succédèrent aux Trinitaires en 1661, et s’offusquèrent des nudités de la toile. Ils demandèrent qu’on retirât le tableau et qu’on en fît un nouveau montrant Saint Louis. L’affaire fit du bruit et remonta jusqu’au ministre Colbert qui décida de « couvrir de quelque draperie les figures qui peuvent choquer la vue ».

Le tableau garda sa place jusqu’en 1840, date à laquelle le roi Louis-Philippe offrit une  « Mort de Saint Louis ». Mais avec les travaux d’agrandissement menés sous le IId Empire, le fonds de la nef s’ouvrit sur une chapelle de la Vierge et les deux grands tableaux d’autel, la Guérison de Paralytique et la Mort de Saint Louis furent accrochés sur les murs du transept, où ils sont toujours.

L’œuvre de Quentin Varin fut restauré en 1982, et on lui conserva les draperies du 17ème siècle, suite à un incendie en janvier 2016, il a été nettoyé et remis en valeur.

Dans la prochaine newsletter je présenterai une série d’œuvres sur cette guérison, très souvent représentée

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