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LETTRE n° 3

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UN HOMME ET UN AGNEAU

J’ai publié l'image de gauche dans la fiche du Bon Pasteur dès sa création, je voudrais la présenter et la mettre en relation avec une sorte de double, celui peint par Jérôme BOSCH en 1505, et qui est actuellement exposé à Lille.

Un homme assis dans la campagne médite. L’homme est assez jeune, vêtu d’une robe marron et d’un grand manteau bleu qui lui sert de couverture. Il est pieds nus et garde une forte chevelure, autant de signes d’une vie ascétique. Qui est-il ? De petits rayons forment une auréole autour de sa tête. Mais la présence d’un agneau oriente vers Jésus ou Jean Baptiste. Cet agneau est sagement assis, il est d’un blanc rayonnant comme si c’était lui qui émettait la lumière, et lui aussi à la tête auréolée. Ce n’est pas un agneau qu’un pasteur porte sur ses épaules comme Jésus peut le faire, c’est plutôt l’Agneau de Dieu que Jean Baptiste doit reconnaître en rencontrant Jésus «il voit venir jésus et lui dit : voici l’agneau de Dieu qui retire le péché du monde » Jn 1, 29.

Il s’agit donc bien de Jean le Baptiste dont l’agneau est devenu un attribut habituel. Mais les évangiles précisent tous que Jean est un ascète vivant dans le désert et ce n’est pas du tout ce que donne à voir le peintre. Certes on peut comprendre que la robe marron est tissée de poils de chameau, mais il le place dans une jolie campagne, l’herbe est verte, une petite rivière court, des oiseaux volent, des moutons paissent, au loin une forêt abrite des cerfs et biches, tout au fond on aperçoit les tours et clochers d’une ville. Nous ne sommes pas au désert, ni vraiment dans la vallée du Jourdain mais plutôt dans une sorte de jardin d’Eden, l’Agneau de Dieu est le signe des temps nouveaux, des temps à venir, ceux que Jean doit annoncer.

Mais pourquoi le prophète semble-il si abattu ? En fait il médite, il réfléchit, il ne voit pas encore l’Agneau, il n’a pas encore annoncé le baptême de conversion qui va faire venir les foules, il s’interroge sur sa vocation. Le peintre transpose Jean dans le monde qui lui est contemporain, une campagne flamande à proximité d’une ville aux nombreux clochers, c’est une façon habituelle d’indiquer que le message est toujours d’actualité. Jean devait hier annoncer la venue de l’Agneau de Dieu, l’homme représenté en cette fin du XVème s. doit lui aussi le faire, et chaque génération reprendre cette annonce jusqu’à ce qu’Il vienne.

Le tableau de Bosch reprend à la fois le thème et la structure, mais les différences sont significatives. D’abord la campagne puisque c’est là la principale nouveauté de ces deux flamands. Celle de Bosch ressemble à celle de Geertgen mais au printemps verdoyant succède une fin d’été sèche, le ruisseau ne coule plus, les arbres roussissent et une étrange végétation se développe, tandis que le plus gros arbre est touché par la mort, qui rode aussi sur la colline de gauche.

On retrouve les mêmes animaux mais sur le devant un oiseau est mort, est-ce d’avoir mangé les graines de la plante ? On se rapproche du désert mais Jean est magnifiquement vêtu, sa coiffure, sa barbe, ses pieds… tout est soigné. Il est allongé nonchalamment, mais non sur un lit mais sur une pierre qui ressemble à un sarcophage. Il désigne l’agneau, resplendissant de blancheur et qui est placé dans le coin droit en opposition à la ville morte du coin opposé. Cette fois Jean n’est plus un ascète méditant, il est plutôt une sorte de citadin désabusé, entouré par un monde qui est de plus en plus hostile mais qui reconnaît le Christ Agneau comme promesse d’avenir.

A Gauche  Jean-Baptiste au désert, Geertgen tot Sint Jans; huile sur panneau, 42 x 28 cm ; 1485-90 ; Pinacothèque, Musées Nationaux,

A Droite Jean-Baptiste au désert, Hieronymus BOSCH, huile sur panneau, 48 x 40 cm ; 1485-90, Museo Lázaro Galdiano, Madrid

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