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LETTRE 49

MARIE ET LE CIEL

L’Assomption de Marie est un sujet pictural traditionnel, représenté des milliers de fois. J’ai choisi deux images où Marie s’élève vers le Ciel mais avec deux originalités, d’une part elle s’élève au-dessus d’un sarcophage, d’autre part elle est représentée de profil et non de face. Les deux images sont par ailleurs différentes par la foule qui se presse chez Le Carrache alors que Marie est seule chez Poussin.

Si vous ne voyez pas les images , cela est dû à votre trop forte protection, vous pouvez les voir en allant aux Archives

Assomption de la Vierge, Nicolas Poussin, 1630/1632, huile sur toile, 134 x 98 cm, Washington, National Gallery of Art, Ailsa Mellon Bruce Fund

Assomption ; Annibale Carracci ; 1590, huile sur toile, 245 cm × 155 cm ; Musée du Prado, Madrid

Dans les deux scènes, tout semble en mouvement, malgré l’inertie du gros et lourd sarcophage. Chez Le Carrache les hommes tournent leurs têtes et leurs corps pour voir une femme qui est comme attirée, aspirée vers un ciel qui s’ouvre sur la lumière et les pieds d’un ange.

Chez Poussin la ligne d’horizon se trouve au milieu du tombeau et nous voyons la Vierge, seule, monter lentement, son corps est très allongé mais son lourd manteau bleu gonflé par le mouvement s’écarte doucement et créé un moyen terme parfait entre le monde de la terre et celui du ciel. Elle quitte la terre sans être encore accueillie au ciel, mais sûre de l’être bientôt. Dans les deux cas Marie est toute tendue vers le ciel et écarte les mains comme une orante, elle est très belle, mais bien jeune pour une mère en fin de vie, la tradition l’emporte sur le réalisme. C’est une Vierge vêtue de la couleur du ciel, entourée d’angelots joufflus qui lancent des pétales de roses pour rappeler à la fois le rosaire et l’odeur de sainteté…

La composition du Carrache est particulièrement serrée sur le groupe, et le paysage apparaît à peine, mais lui aussi est agité, un arbre tordu par le vent, une nuée qui pousse les nuages noirs et dégage un ciel de plus en plus lumineux vers le haut. Et ce mouvement touche même la colonnade qui sépare les deux mondes, mais qui s’incurve pour montrer leur relation.

La relation entre terre et ciel est vraiment directe et le mouvement de l’apôtre du premier plan crée un axe central et vertical qui va de la mort, symbolisée par le morceau de linceul, à la vie qui anime Marie, peinte comme une femme vraiment vivante, vraiment enlevée vers le ciel, ce qui correspond justement au sens du verbe latin « assumere » qui a donné « assomption ».

La mise en scène de Poussin est plus rare, puisque Marie y est seule, les apôtres présents à sa mort, selon la tradition, sont absents, le sarcophage ouvert et le linceul défait rappellent la scène des femmes devant le tombeau vide de Jésus, mais ici l’assomption se fait sans témoin. La Vierge est dans un face à face avec Dieu, et sa position de profil, le renforce.

Chez Le Carrache, Marie ouvre les bras pour la prière et l’adoration, mais contrairement à beaucoup d’autres mises en scène, on ne la voit pas entrer au ciel, dont le peintre indique qu’il est encore caché, ou fermé, c’est pourquoi nous ne pouvons voir que les pieds de l’ange.

Chez Poussin Ciel et Dieu sont au-delà du tableau, le haut des colonnes est caché, les nuages s’écartent à peine devant le visage de Marie. Elle regarde vers le haut, ses yeux s’illuminent mais sa vision nous est cachée, la lumière qui l’éclaire est d’ailleurs très douce, sa tête ne rayonne pas, les nuages ne l’entourent pas, les anges ne l’accueillent pas… aucune théophanie n’est présente.

Deux images qui essaient de représenter un dogme qui n’a pas de réalité biblique autre que le « Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni » de l’évangile selon Luc, lors de la Visitation. Il me semble que c’est Poussin qui réussit le mieux à nous faire entrer dans un au-delà spirituel, en supprimant toute anecdote pour nous montrer seulement la beauté d’une jeune fille qui s’élève et nous élève vers Dieu.

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