Archives des newsletters

La Newsletter d'Images Bible

Bonjour {literal}{$username}{/literal}, vous recevez ce message car vous êtes inscrit à la newsletter d'Images Bible

LETTRE 42


 

 

 

Je poursuis l’analyse du tableau de Delacroix Le Christ sur la croix ; 1835, huile sur toile, 182 x 135 cm ; Musée de la Cohue à Vannes

Pour ceux qui n’ont plus la première partie en mémoire, voyez La Croix de Delacroix.

 

 

LES CRANES


Deux crânes et un serpent sontreprésentés au bas du tableau.

La présence d’un crâne au pied de la croix est classique, d’abord à cause du lieu de la crucifixion, le Golgotha, qui se traduit par « lieu du crâne » dans la langue araméenne. Ensuite par l’existence sur ce lieu d’un gros rocher avec une grotte, le tout évoquant un crâne, ce qui explique une légende chrétienne, antérieure au Moyen Âge. D'après cette légende les descendants de Noé (!) auraient légué le crâne d'Adam à Melchisédech, roi de Jérusalem, qui l’aurait déposé dans cette grotte. Au moment où Jésus mourait, crucifié au sommet de ce rocher, la terre trembla, d'où la fissure du rocher depuis le haut jusqu'à la grotte. Ainsi, le sang de Jésus en croix, nouvel Adam, a pu couler sur le crâne du premier Adam, réalisant ainsi le salut de l'humanité, depuis ses toutes premières origines. C'est cette légende qui explique qu'un crâne humain apparaisse souvent sous les pieds de Jésus. Pour légende voir article de Interbible

Voici un exemple de représentationd'une icône russe


Mais chez Delacroix il y a deux crânes, celui d’Adam et le  sans doute celui d’Eve, une hypothèse renforcée par la présence du serpent, même si on trouve un serpent et le seul crâne d’Adam dans une église de Haute Garonne

 

 
 

D’où vient cette présence du crâne d’Eve ? Elle est extrêmement rare, en voici quand même une, dans l’église de Locarn (22) une Piéta avec sous les pieds de Marie, les crânes d'Adam et d'Ève, une pomme au centre

 

 

J’ai trouvé aussi une phrase de Catherine Emmerich, visionnaire du 18e s. "Sous le rocher qui forme le Calvaire, et qui avait été roulé par les eaux, j'aperçus à une grande profondeur le tombeau de nos premiers parents."

Mais il serait étonnant que Delacroix ait connu cette vision, il était agnostique et n’avait guère de relation avec les milieux ecclésiastiques.

Non seulement il y a deux crânes mais ils ne sont pas au pied de la croix comme ils devraient l'âtre, ils sont au bas du tableau à la verticale de Marie-Madeleine, donc en relation avec elle.

 

MARIE MADELEINE


Représenter Marie de Magdala au pied de la croix est classique et fidèle aux textes, mais la femme représentée n’est pas seulement la Marie de Magdala de l’évangile de Jean, celle qui suit le Christ dans sa passion, elle est aussi la Madeleine cette femme qui depuis le 6e siècle, synthétise plusieurs figures féminines dont la « pécheresse » anonyme de l’évangile de Luc, et dont les pleurs et les baisers sur les pieds de Jésus sont interprétés comme un signe d’amour charnel.

Ici Marie Madeleine est une belle femme, bouleversée par la mort de celui qu’elle aime, et sa poitrine dénudée est à la fois le rappel de sa mauvaise vie et de son amour charnel.

   Delacroix avait déjà peint en 1829, une Madeleine au pied de la croix, il reprend la même femme, mais change sa position et met en valeur sa chevelure, par là elle n’est plus seulement l’amoureuse au pied de la croix, mais aussi la pénitente qui se traîne aux pied du Christ. http://www.eternels-eclairs.fr/images/peinture/tableaux/eugene-delacroix-HD/eugene-delacroix-marie-madeleine-pied-croix.jpg


Huile sur toile, 35,2 x 27 cm, 1829

Dans le tableau qui nous intéresse, elle ne peut détacher son regard de la croix, elle est allongée et son corps se prolonge en ligne droite jusqu’au montant d’une autre croix énigmatique, au fond à gauche.

 

Tandis qu’un homme dévêtu s’avance, deux hommes dressent une croix en regardant vers celle du Christ. Est-ce l’arrivée du second larron ? si oui elle est trop tardive. Est-ce la représentation symbolique du bon disciple « Et quiconque ne porte pas sa croix, et ne me suit pas, ne peut être mon disciple » Luc 14, 27.

Dans ce cas le lien visuel établi par Delacroix entre cette croix et Madeleine pénitente pourrait être un appel à la pénitence, le rappel qu’elle doit porter sa croix comme tout disciple .

 

 

Mais la Madeleine est aussi en relation directe avec les crânes, et pour ne pas manquer la relation, Delacroix a placé à ses côtés, une sorte de ceinture verte qui ressemble fort au serpent qui ondule près du crâne d’Eve.

Madeleine serait-elle alors une nouvelle Eve ? On trouve cette idée chez plusieurs Pères grecs dont Grégoire de Nysse au 4e s. « en transmettant aux disciples les paroles de celui qui avait vaincu le serpent apostat, une femme fut pour les hommes l’initiatrice de la foi, et par elle, à juste titre, ce qui avait donné occasion à la mort fut détruit ».

Or c’est à la Vierge Marie que le titre de Nouvelle Eve est généralement donné. En mettant Marie Madeleine au cœur de cette crucifixion et en marginalisant un peu la mère de Jésus, Delacroix fait œuvre nouvelle, il valorise cette femme qui est à mi-chemin entre Ève, qui a terni l'image de la femme par le péché originel et la Vierge Marie si pure qu'une simple mortelle ne peut s'identifier à elle. Par là il est, comme ses contemporains, au cœur des interrogations masculines face à la Femme.

 

Si vous ne souhaitez plus recevoir la newsletter d'Images Bible, Cliquez ici pour vous désabonner

www.imagesbible.com
Envoyer un mail

 

© Copyright 2005-2016 - Serge Ceruti / Mentions Légales / Site réalisé par eyenet