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 Lettre 39

 PAUL ET SON CHEVAL 

Cette peinture à fresque de Luca Signorelli, date de 1482, elle se trouve dans la Sacristie San Giovanni, sanctuaire de la Santa Casa, à Lorette en Italie.

On y voit six soldats, debout, sauf l’un qui est renversé en arrière, ils regardent dans tous les sens car une grande lumière les enveloppe, une lumière très vive et verticale au point de supprimer presque toutes les ombres. Deux soldats essaient, en se protégeant, de regarder un grand soleil, avec en son centre le buste du Christ, le doigt pointé vers un soldat. Au sol le soldat renversé, regarde vers le ciel, mais pas vers le Soleil-Christ, il semble écouter.

Il s’agit de la conversion de Saul, le futur Paul, scène souvent représentée à partir du triple récit des Actes des Apôtres de Luc dont voici le moment clé.

Actes 9,1-19 « Il faisait route et approchait de Damas, quand soudain une lumière venue du ciel l’enveloppa de sa clarté. Tombant à terre, il entendit une voix qui lui disait « Saül, Saül, pourquoi me persécutes-tu ? »

Actes 22, 3-21 Je faisais route et j’approchais de Damas, quand tout à coup, vers midi, une grande lumière venue du ciel m’enveloppa de son éclat. Je tombai sur le sol et j’entendis une voix qui me disait : « Saül, Saül, pourquoi me persécutes-tu ? »

Actes 9-18 C’est ainsi que je me rendis à Damas avec pleins pouvoirs et missions des grands prêtres. En chemin, vers midi, je vis (…), venant du ciel et plus éclatante que le soleil, une lumière qui resplendit autour de moi et de ceux qui m’accompagnaient. Tous nous tombâmes à terre, et j’entendis une voix qui me dit en langue hébraïque : « « Saül, Saül, pourquoi me persécutes-tu ?

Mais cette mise en scène de Signorellei, est relativement rare car Saul est à pied alors que la grande majorité des artistes, le représentent tombant de chaval.

Alors pourquoi le cheval ?

Enluminure d’une bible conservée à Amiens datant du début du 13e s

Il apparaît au Moyen Age comme sur ce.tte enluminure du début du 13e s. car à l’âge des chevaliers, on n’imagine pas un commandant autrement qu’à cheval, or Saul se rendait « à Damas avec pleins pouvoirs et missions des grands prêtres » et commandait un groupe de soldats chargés d’organiser la persécution des chrétiens. Le cheval devenait donc son attribut naturel.

La seconde explication est plus psychologique, on voulut dramatiser la chute, suggérer la violence et l'importance de ce foudroiement d'origine divine, l'idée du cheval s'imposa et devint la règle iconographique. Ce sera désormais sous la forme d’une chute de cheval que les peintres figureront la conversion de Saul le persécuteur, en Paul le chrétien, sur le chemin de Damas.

Une fois partis sur l’idée d’un cavalier renversé, les artistes pouvaient imaginer de nombreuses postures pour ce cheval.

Le cheval cabré du Parmesan qui symbolise la puissance et le triomphe du Christ, par ailleurs absent du tableau.

Le Parmesan, huile de 1527, 177x128 cm, Kunsthistorische Museum de Vienne 

Le cheval cabré devenant le signe de la puissance de la Parole divine, pourquoi s’arrêter à un seul se dit Tintoret qui les multiplie. Ils se cabrent et tombent, les cavaliers sont désarçonnés, les fantassins s’enfuient, laissant Saul, au premier plan, comme suspendu en l’air au dessus d’un rocher, ayant perdu l’équilibre, prêt à basculer dans une nouvelle vie.

 Le Tintoret, 1545, Huile sur toile, 152x236 cm, National Gallery of Art, Washington

Je terminerai par un contre exemple, celui de William Blake qui garde le cheval mais le fait se coucher comme s’il était lui aussi atteint par la Parole et se mettait en position de prière. 

 William BLAKE, 1800, estampe de 23x30cm, coll.part. USA

Je n’ai pas évoqué les célèbres peintures du Caravage, ce sera pour une autre fois. 

Serge Ceruti

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