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LETTRE 32


MARTHE ET MARIE

selon VELASQUEZ

 

Scène de cuisine avec le Christ dans la maison de Marthe et Marie, Diego Velasquez, huile sur toile, 60 x 103 cm, 1618, National Gallery, Londres

 

Le premier plan présente une nature morte sur plan de travail, une jeune femme est occupée à broyer de l’ail dans un mortier, elle semble très dépitée voire au bord des larmes, d’où son visage un peu rougeaud. Une autre femme plus âgée, se tient juste derrière et tend la main vers la table, tout en lui parlant. Mais à droite une autre scène attire l’attention, un homme assis, vêtu d’un grand manteau bleu, parle à une jeune femme assise à ses pieds tandis qu’une autre se tient debout derrière elle.

Il est impossible de dire si cette seconde scène, la conversation entre l’homme et la femme, est reflétée dans un miroir ou vue par l’intermédiaire d’une sorte de passe-plat. Cette incertitude est troublante, d’autant que l’ensemble de la scène est très simple et dépouillé.

Comme ils étaient en route, il entra dans un village et une femme du nom de Marthe le reçut dans sa maison. Elle avait une sœur nommée Marie qui, s’étant assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole. Marthe s’affairait à un service compliqué. Elle survint et dit : « Seigneur, cela ne te fait rien que ma sœur m’ait laissée seule à faire le service ? Dis-lui donc de m’aider. » Le Seigneur lui répondit : « Marthe, Marthe, tu t’inquiètes et t’agites pour bien des choses. Une seule est nécessaire. C’est bien Marie qui a choisi la meilleure part ; elle ne lui sera pas enlevée. » Evangile selon Luc 10, 38-41

La scène principale est donc celle de la petite partie droite. C’est Jésus qui est assis dans un grand et beau fauteuil, Marie à ses pieds, assise en tailleur, peut-être sur un tabouret très bas que dissimule son vêtement, est à l’écoute. Derrière elle, la femme qui s’agite pourrait être Marie, lui faisant des reproches. C’est ainsi que j’ai longtemps compris la scène. Mais alors qui est la femme aux joues rouges dans la cuisine ? une servante ou Marthe qui prépare le repas et montre son désappointement ?

 

La peinture est à rapprocher de deux autres, peintes quasiment en même temps. 

La servante de cuisine, 1618-20, huile 56 x 118 cm, Art Institute , Chicago

La  mulata , 1618-20 , huile 56 x 118 cm , National gallery , Dublin

Les deux tableaux étaient semblables, mais en 1933, on a nettoyé celui de Dublin et on a vu apparaître la scène où Jésus parle à deux hommes et que l’on comprend comme étant les Pèlerins d’Emmaus.

Dans les deux cas il s’agit d’une vraie servante, mulâtre, elle n’est pas très active mais est toute tendue pour mieux écouter, tout au moins dans la version de Dublin.


Il me semble que c’est la composition de la nature morte qui oriente l’interprétation, et qui fait de la jeune femme du premier tableau, la vraie Marthe. Voyons donc cette table. La peinture d’une table avec des victuailles est une tradition flamande, mais ici la nature morte a peu à voir avec ces tables qui débordent de victuailles. Les œufs sont un signe de vie, de renaissance, voire de résurrection comme ici où ils sont associés aux poissons, symbole chrétien. Deux est un nombre qui marque la division et l’antagonisme, deux œufs suggèrent que les deux femmes représentent une alternative de vie, l’action et la contemplation. Les quatre poissons peuvent renvoyer aux quatre évangiles qui proclament « Jésus Christ Fils de Dieu Sauveur » dont les initiales en grec, ICHTUS, correspondent au mot « poisson ». La femme broie de l’ail dans un mortier, un geste bien ordinaire dans la cuisine espagnole mais l’ail est aussi porteur de nombreuses valeurs et il protège contre le mauvais œil.

Il ne s’agit donc pas de la préparation « d’un service compliqué » comme dit le texte mais d’aliments symboliques, qui donnent à vivre à la fois matériellement et spirituellement. Dans ce cas si c’est bien Marthe qui est de face, on comprend sa surprise d’entendre le Seigneur dire que c’est Marie qui a choisi la meilleure part. Marthe aussi rencontre Dieu dans son travail culinaire. Et comme nous sommes en Espagne on ne peut s’empêcher de rapprocher cela de la fameuse remarque de sainte Thérèse d’Avila selon laquelle « Tambien entre los pucheros anda el Señor » c'est-à-dire « C'est aussi parmi les casseroles que le  Seigneur vient » Certes la Marthe de Velasquez ne semble nullement être la maîtresse de la maison, c’est une servante, mais elle l’est au sens évangélique, elle sert Jésus et les invités, elle est devenue servante comme le recommande le Christ.

Mais si c’est Marthe qui est devant, à la cuisine, elle n’est pas dans la scène du fond, et alors qui sont les deux autres femmes ? Leur point commun est d’être plus vieilles, alors que Marthe et Marie sont des jeunes filles. D’où une explication sociologique que j’ai lue et trouve possible. Vélasquez a transposé la scène évangélique dans l’Espagne du 17e s. or il est impensable dans cette Espagne d’imaginer deux jeunes filles recevant seules un homme jeune comme Jésus, elles doivent être absolument accompagnées par des servantes plus âgées qui les surveillent, leur disent comment se comporter mais peuvent aussi les réconforter comme celle qui s’adresse à Marthe et qui pourrait être... la voix de Thérèse d’Avila dont je me permets de citer un long passage de « Le chemin de la perfection » ch. XVII, 1566

« 5. Sainte était sainte Marthe, bien qu’on ne dise pas qu’elle fut contemplative ; que voulez-vous donc de plus que d’être un jour comme cette bienheureuse, qui mérita si souvent de recevoir le Christ Notre-Seigneur chez elle, de lui donner à manger, de le servir et de manger à sa table ? Si elle eût été aussi absorbée que Madeleine, il n’y aurait eu personne pour donner à manger à cet Hôte divin. Pensez donc que cette Congrégation est la maison de sainte Marthe, et qu’il doit y avoir de tout ; et que celles qui sont portées à la vie active ne murmurent point contre celles qui s’absorbent profondément dans la contemplation, sachant que le Seigneur répondra pour elles, même si elles se taisent, puisque presque toujours il nous porte à nous détourner de nous-même et de tout. 6. Rappelez-vous qu’il faut quelqu’un pour faire la cuisine, et soyez heureuses de servir avec Marthe ; considérez que la véritable humilité est essentiellement d’être prêtes à vous contenter de ce que le Seigneur veut de vous, et à vous trouver toujours indignes d’être appelées ses servantes. Puisque contempler, pratiquer l’oraison mentale et vocale, soigner les malades, faire les travaux ménagers, travailler même aux plus bas offices, c’est toujours servir l’Hôte qui vient habiter chez nous, y manger, s’y récréer, que nous importe de vaquer à une chose ou à une autre ?"

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