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LETTRE 26

UNE NOUVELLE JUDITH DU CARAVAGE

Vous avez sans doute entendu dire qu’un tableau, trouvé dans une soupente, vient d’être reconnu comme étant du Caravage. Il s’agit d’une Judith et Holopherne, sujet déjà traité par l’artiste, dans un autre tableau célèbre et visible ci-dessous.

Cette nouvelle œuvre était connue mais on avait perdu sa trace, elle était mentionnée dans des inventaires et le peintre Louis Finson en avait même fait une copie que l’on connaît.

Mais alors où est le suspense ? La question était de savoir si le tableau trouvé était l’authentique, ou une autre copie. L’expertise a donc porté sur l’analyse de la facture, en relation avec les pratiques connues du peintre, l’absence d’esquisse et l’existence de repentirs ont été déterminantes. Cette œuvre date de 1604, c’est une huile sur toile de 144 x 173 cm, alors que celle qui était jusque là connue, date de 1598 et mesure 145 x 195 cm.

Vous connaissez peut être mon intérêt pour ce sujet qui a déjà été évoqué deux fois dans des newsletters précédentes. La Lettre 1 du 6/10/2012 concernant sa servante, (mais qui ne fait que renvoyer au site) et  la Lettre 14 du 2/4/2014 sur le parallèle avec Salomé. 

Et bonne nouvelle , vous pouvez désormais les consulter, car je viens de mettre toutes les Lettres anciennes en ligne. Il faut aller sur le bandeau du haut, à droite, Newsletter, et cliquer sur Liste des archives

Ce sont les différences iconographiques qui m’intéressent ici. 

NB Un résumé de l'intrigue se trouve à la fin de cette lettre

La composition est voisine, une construction en diagonales avec au centre la tête d’Holopherne, on retrouve le même lit, la même tenture rouge, mais les deux femmes sont très différentes.

Alors que la première Judith est une jeune femme en blanc, qui manie l’épée avec détermination mais aussi avec un certain dégoût, qui est sensible par la distance qu'elle garde par rapport à Holopherne et par son visage tendu et marqué d’une ride. La seconde est une jeune veuve, ce qui est conforme au texte, habillée de noir, elle tient les cheveux d’une main, l’épée de l’autre, son action est déjà réalisée mais son geste semble cependant encore en attente, et son visage, qui marque une détermination sans faille, est pourtant tourné vers nous comme pour chercher une approbation,

Quant au rôle de la servante, il est totalement différent. Alors que la première n’est qu’une auxiliaire marginale qui tend un pan de sa robe, pour emporter cette tête comme elle porte habituellement des marchandises, la seconde est au centre de la scène, elle tend un sac pour recueillir la tête, mais tout est fait pour l’opposer à Judith, qualité des vêtements, couleur « sociale » de la peau, expression de stupéfaction face à la détermination de sa maîtresse. Rappelons que dans le texte, cette servante n'assiste pas au meurtre, mais sa présence sur les tableaux accentue la tension dramatique, car elle crée un témoin et magnifie sa maîtresse. Reste la lumière, elle modèle beaucoup moins les corps dans le second tableau, elle semble même un peu plate sur Judith et Holopherne.

Vous aurez compris que pour moi, la première version est bien plus riche, car elle oppose la force bestiale et lubrique d'Holopherne, à la fragilité de la pure et pieuse jeune veuve, qui n’est forte que de la force que Dieu lui donne pour sauver son peuple. Il me semble que la seconde Judith, n’est qu’une froide exécutrice qui nous montre simplement ce que tuer un tyran veut dire.

Serge CERUTI

Louis Finson copie du tableau du Caravage

Le Livre de Judith, qui n'a rien d'historique mais est écrit comme un roman, étant un peu long, voici un résumé de l'intrigue selon Wikipedia

Nabuchodonosor roi d’Assyrie, envoie le général Holopherne en campagne de conquête vers l’ouest. Holopherne avance avec succès, détruisant sur son passage les sanctuaires locaux et exigeant que Nabuchodonosor soit honoré comme un dieu. L’armée assyrienne arrive finalement  aux portes d'Israël et fait le siège d’une ville nommée Bethulie. Après un long siège, à bout de ressources, les hommes de Béthulie désespèrent et sont pour cela moqués par la veuve Judith, qui leur reproche leur peu de foi. Après avoir prié, elle décide de se rendre accompagnée d’une suivante au camp d’Holopherne en lui faisant croire qu’elle lui apporte de précieuses informations sur les Juifs. Impressionné par sa beauté, celui-ci accepte de l’écouter et l’invite à un festin, puis dans sa tente, mais elle profite de son ivresse pour le décapiter. Elle revient avec la tête d’Holopherne à Bethulie où son succès galvanise les habitants. Ils attaquent et mettent en déroute les Assyriens affaiblis par la perte de leur général.

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