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LETTRE 20

 

SACREES IMAGES

Le prophète Mohammed guidant la prière avec Abraham, Moise et Jésus. Manuscrit médiéval persan.

Quelle belle image ! Les récents événements : assassinat des journalistes de Charlie Hebdo, mobilisation pour les dessins de Charlie, manifestations violentes contre le nouveau numéro… montrent que les images sont toujours porteuses d’une dimension que l’on peut qualifier de sacrée. Cette lettre veut simplement illustrer cette guerre/paix les concernant;

Au début était la Bible « Tu ne te feras point d'idole, ni une image quelconque de ce qui est en haut dans le ciel, ou en bas sur la terre, ou dans les eaux au-dessous de la terre. » Ex 20, 3

Cet interdit biblique du second commandement transforme toute image en idole. Il a été scrupuleusement respecté par les Juifs. Jésus, comme tout juif de son époque, se méfiait des images. Quand par exemple on lui montre une image de César sur une pièce de monnaie, il demande à son interlocuteur de la rendre au propriétaire de l’image, c’est-à-dire à César. L’image, autant que l’empereur, participent à un système idolâtre que Jésus refuse (Lc 20, 20-26 et //).

Les musulmans sont aussi les héritiers de cette interdiction, mais le Coran n’interdit précisément que la représentation de Dieu et non celle  du prophète Mohamed.

Mais vivre dans une société des images (empire romain...) rend l’interdit plus difficile à respecter d’où les images juives de Doura Europos (Syrie 3e s.), les images chrétiennes des catacombes romaines et la représentation du prophète Mohamed dans plusieurs sociétés islamiques.

 

 Moïse et la traversée de la mer Rouge, fresque de la synagogue de Doura-Europos


Le sermon d’Adieu du prophète Mohammed. Copie ottomane du XVII siècle d’un manuscrit du nord de l’Irak du XIVe, conservée à la BNF. CC/WIKIMEDIA


Beaucoup acceptent et créent des images.

Mais quand certains veulent réformer leur religion qu’ils trouvent dévoyée ou idolâtre, ils retournent aux sources et suppriment /détruisent les images, qui de sacrées deviennent sacrilèges

Pour les Juifs

 Ces mosaïques d’une synagogue d'Ain Duk près de Jéricho (6e s.) ont été martelées par des Juifs qui ne pouvaient pas supporter la représentation humaine pour les signes du Zodiaque, images pourtant  faites par leurs prédécesseurs juifs.

Et pour les musulmans ? La civilisation arabe est une culture quasiment sans images, contrairement à la culture perse. D'où l'importance de la calligraphie qui permet de contourner l'interdiction

L’image du prophète est particulièrement rare, il est tantôt recouvert d’un linge blanc qui dissimule ses traits, parfois entouré d’un nimbe circulaire (emprunté à l’art chrétien) ou en forme de gerbe de flammes (inspiré de l’art bouddhiste et/ou chinois). Mais ce sont les hadiths ou traditions du Prophète qui expliquent largement cette méfiance vis-à-vis des images figuratives, et la « sacralisation » progressive du prophète a beaucoup augmenté surtout dans les courants fondamentalistes – comme le wahhabisme, en Arabie saoudite –, jusqu’à la faire prévaloir sur le Coran. D’où la situation actuelle, où la représentation du prophète est interdite comme celle de Dieu, et déclenche des manifestations , voire des crimes contre le sacrilège.

Certains extrémistes vont même jusqu’à détruire des images non musulmanes (en 2001 les bouddhas de Bamiyan datant du 5e siècle détruits par les talibans)

 

Ce sont les chrétiens qui ont créé et utilisé massivement les images et leur ont donné parfois un caractère sacré, les transformant aux yeux de certains réformateurs en idoles sacrilèges.

Exemple des Chrétiens orthodoxes à Byzance au 8e-9e siècle pendant la période dite iconoclaste

 

Miniature du Psautier Chludov montrant Jean le Grammairien détruisant une image du Christ

Exemple des Chrétiens Réformés en Europe au 16e s.

 

Les protestants rassemblent des statues d’une église pour les détruire; scène d'iconoclasme à Zurich en 1524. Dessin d'Heinrich Thomann (1544-1618) dans: Heinrich Bullinger, Reformationschronik, 1564 (manuscrit) ZB Zürich


 Ce caractère sacré/sacrilège des images n’est pas le seul fait des religions, pour des familles, des communautés, des idéologies, des nations… des images sont sacrées, et donc d’autres sacrilèges.

 

 Lors de la mort de Staline en 1953, le journal d’Aragon a publié un dessin de Picasso , ils étaient tous deux communistes, mais le dessin a été condamné par le Parti en France et interdit en URSS , comme sacrilège.

 

La solution serait elle de supprimer les images ?

Avec l’abstraction l’image devient langage. Il y a bien une figuration, mais sans représentation. Refuser l’image dans l’image, créer des formes vides, épurées, où il n’y a plus rien à voir, sinon le signe dans sa nudité propre.

Est-ce un nouvel iconoclasme ? Malevitch et Kandinsky étaient très marqués par la tradition de l’icône dont ils voulaient traduire la force spirituelle spécifique dans une forme et un langage neufs. Mondrian, le père de l’abstraction géométrique, était issu d’un strict calvinisme.

Malevitch; Réalité peinte d'un joueur de football – Masses colorées dans la 4e dimension, 1915, Institut d'art de Chicago

 

AUCUNE IMAGE N'EST SACREE SEUL L'HOMME L'EST

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