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LETTRE  9

La femme de l’Apocalypse, cette vision de Jean, donne facilement lieu à images, et cela n’a pas manqué.

« Un signe grandiose apparut au ciel : une Femme ! le soleil l'enveloppe, la lune est sous ses pieds et douze étoiles couronnent sa tête ; elle est enceinte et crie dans les douleurs et le travail de l'enfantement. Puis un second signe apparut au ciel : un énorme Dragon rouge feu, à sept têtes et dix cornes, chaque tête surmontée d'un diadème. Sa queue balaie le tiers des étoiles du ciel et les précipite sur la terre. En arrêt devant la Femme en travail, le Dragon s'apprête à dévorer son enfant aussitôt né. Or la Femme mit au monde un enfant mâle, celui qui doit mener toutes les nations avec un sceptre de fer ; et son enfant fut enlevé jusqu'auprès de Dieu et de son trône, tandis que la Femme s'enfuyait au désert, où Dieu lui a ménagé un refuge pour qu'elle y soit nourrie mille deux cent soixante jours. Alors, il y eut une bataille dans le ciel : Michel et ses Anges combattirent le Dragon. Et le Dragon riposta, avec ses Anges, 8 mais ils eurent le dessous et furent chassés du ciel. Livre de l’Apocalypse, ch. 12, v. 1 à 7

Mais comme les théologiens ont vite vu en cette femme Marie mère du Christ, ou la figure de l’Eglise, ce qui n’est guère différent, l’image est devenue celle de l’entrée au ciel de Marie, son Assomption.

Dans la fiche « Femme de l’Apocalypse » j’ai choisi une peinture de Rubens qui est au Getty Museum de Los Angeles, on y retrouve la mise en scène de l’Apocalypse, mais aussi l’image de Marie qui n’est pas enceinte mais porte l’enfant Jésus, le tableau est magnifique, avec ses deux mouvements verticaux, celui de la chute des démons que St Michel combat avec force, et celui de l’élévation de la Mère de Dieu vers le Père qui lui tend la main.

Or je viens de m’apercevoir que cette œuvre n’est sans doute qu’une ébauche d’un vaste tableau final de 550 x 370 cm qui se trouve à la Vieille Pinacothèque de Munich et qui a été peint pour la cathédrale de Friesing en Bavière. Cette œuvre reprend exactement la composition du précédent mais en accentuant la force de St Michel et le mouvement de la chute des démons qui tombent sur terre dans un paysage qui doit être celui de la ville. La Femme porte de drôles ailes d’aigle, d’autre part les couleurs sont plus agressives, on ne retrouve pas le mouvement tout en courbes de la petite œuvre de Los Angeles, que je préfère.

En comparaison je publie ici une image venant du Beatus de San Miguel de Escalada (ms. New York, Pierpont Morgan Library, M 644). Les Beatus sont ouvrages espagnols du 10e s. des commentaires magnifiquement illustrés de l’Apocalypse de Jean faite par un moine du 8e s. J’ai choisi celui-ci car je trouve une certaine ressemblance avec la peinture de Rubens. Certes le beatus se veut plus fidèle au texte, la Femme est enceinte, debout sur la lune et éclatante comme le soleil, le dragon a ses 7 têtes, ses diadèmes et ses cornes, mais on retrouve une composition semblable en bandes verticales opposant les dragons et les anges à la Femme enceinte.

Mais comme l’enfant n’est pas encore né, le dragon se dresse et attend, il n’est pas encore précipité vers la terre par les anges, et la Femme n’est pas du tout Marie montant vers le Ciel. Enfin la Femme n’écrase pas de serpent, cette représentation est en effet liée à l’assimilation de la Femme à Marie, qui est une nouvelle Eve, et qui écrase le serpent selon le verset de la Genèse 3, 15 « Je mettrai une hostilité entre toi [le serpent satanique] et la femme, entre ton lignage et le sien. Il t'écrasera la tête et tu l'atteindras au talon."

Cette représentation un peu compliquée est très riche, elle a donné aussi de nombreuses statues de Marie enceinte, avec des évolutions comme celle-ci où le décor de l’Apocalypse disparaît pour ne laisser place qu’au serpent et au lys de l’Annonciation. Cette statue se trouve dans l’église de ND des Passes, au quartier du Mouleau à Arcachon, église où ma nièce se marie bientôt…

Bon été à tous                       Serge CERUTI

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